Être « leader » ou responsable d’une structure politique en Haïti, est le choix le plus facile pour quiconque aspire à faire de la politique au sein de la société haïtienne. On n’a pas besoin d’être un spécialiste en politique, ni d’avoir de certificats, ou des diplômes, ni licences dans un autre domaine et ni d’avoir une certaine autonomie économique. Encore moins une vision ou un projet social à proposer à la nation en vue de contribuer dans la lutte pour la transformation sociétale. Il suffit juste, tout simplement, d’avoir un minimum d’audace et aussi, d’être capable de manipuler les gens autour de vous afin de les orienter vers votre objectif.
Est-ce qu’il y a une méthode ?
On n’a pas vraiment besoin d’une méthode pour faire l’affaire. Mais, savoir « fait du vent » est une chose importante comme le fameux Boutnèg, (dans Zoune chez sa Nainaine de Justin Lhérison). En effet, c’est la formule traditionnelle la plus répandue sur le sol politique haïtien. Du coup, ici, très souvent, on se comporte comme le porte-voix des masses défavorisées, dans le seul but d’obtenir ses intérêts personnels au détriment des plus pauvres. À ce niveau là, le pouvoir devient une entreprise, l’espace où se dresse les intérêts particuliers, et de plus la politique devient presqu’ un métier. Bien sûr, le métier de menteur, et d’« abolotcho » !
La différence entre un leader et un « abolotcho »
Il est important de comprendre que, ce terme-là qui relève du leadership représente tout un ensemble de compétences. Celles-ci, sont variées et peuvent être apprises, cultivées et perfectionnées constamment avec persévérance.
En fait, un bon leader doit cultiver une attitude positive et un bon sens de l’humour, vous devez enseigner à votre équipe à réagir aux crises, aux défis et au chaos par votre réaction ; tandis qu’un « abolotcho » est celui qui utilise les précarités sociales et économiques du peuple pour maintenir ses influences sur l’échiquier politique afin de construire sa vie et de trouver une ascendance sociale. Autrement dit, l’« abolotcho haïtien » est un « blofè » à prétention d’être leader.
D’où vient l’abolotcho haïtien ?
L’abolotcho haïtien est un phénomène socio-politique complexe. On ne peut donc pas le situer à travers un moment spécifique de l’histoire. Présent à tous les niveaux dans les infrastructures sociales haïtiennes, il remonte à une époque de grandes tournures nuisibles à l’intérieur du système politique d’Haïti qui sont liées aux incapacités des acteurs à répondre aux attentes des citoyens et citoyennes qui rêvent d’un avenir meilleur. De fait, l’« abolotcho » haïtien est ce qu’on pourrait appeler le leader « Bò Ketedral ».
Mais il faut préciser que ce dernier est créé et conçu par la société haïtienne en lui donnant le pouvoir de prendre la parole en son nom. « Nou eseye twòp ak moun ki konn li, ann pran chans ak yon vakabon », tel notre paradoxe haïtianniste. C’était le cas du président Joseph Michel Martelly lors de sa candidature sous la bannière de « Repons Peyizan » aux élections présidentielles de 2010. Comme cette expérience-là est bonne pour cette nouvelle équipe d’« abolotcho » au pouvoir, alors elle nous impose à tout prix un nouveau parti dénommé PHTK (Parti Haïtien Tèt Kale) afin de continuer à garder le pouvoir.
Et pour l’ex gouvernement d’Ariel Henry ?
« pa gen sekrè nan fè kola », l’ancien gouvernement d’Ariel Henry est l’un des gouvernements les plus impopulaires que le pays ait jamais connu. Depuis son arrivée, la situation critique du pays s’est détériorée. Selon un rapport publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre juin et août 2022, on a recensé plus de 113 000 déplacés internes en Haïti. Parmi elles, 96 000 individus ont fui l’insécurité dans la capitale, due à la violence entre gangs et aux troubles sociaux.
Toutes les personnalités qui ont travaillé dans l’ex gouvernement du Dr. Henry, sont-ils des « abolotchos » ?
« Dans toutes les règles, il y a toujours une exception ». Bien que l’exception ne confirme pas toujours la règle. En tout cas, dans l’exercice du pouvoir d’Ariel Henry, on peut si bien trouver des personnalités qui n’ont pas de profils d’ «abolotchos », surtout les noms dont la population de manière générale ne connait pas. Citer quelques-uns, c’est déjà un exercice risqué. Tout d’abord, même le choix là que vous désirez faire peut trahir son propre choix puisqu’en matière politique il y a toujours quelque chose de mal à cacher. Bref, ça ne casse pas trois pattes à un canard !
Mais, si vous me permettez de faire une petite interrogation, je vous demande pourquoi l’ex gouvernement d’Ariel Henry a indexé un ministre de la justice (Maître Berto Dorcé) en fonction dans les dossiers de drogues, un ministre que lui-même a nommé ? Est-ce que s’il faisait partie d’un groupement politique, il serait l’objet de tels ennuis ? Était-il membre de certains partis politiques ou un élément du secteur privé des affaires, d’où sort-il pour compter du nom formant le gouvernement ? Était-il vraiment l’avocat des hommes d’affaires ? Que pourrions-nous dire si nous considérions le cas de Paul Denis qui était devenu ministre de la justice, en 2004, sous la présidence de René Garcia Préval sans être été avocat et ni détient au moins d’une formation en droit, mais qui échappe à toutes formes d’ennuis dans le noir du système pourri ? En tout cas, ne vous tracassez pas ! Ça ne casse trois pattes à un canard. Malgré tout, j’attendrai vos nouvelles.
Frantzley VALBRUN
Écrivain, poète, Journaliste et Anthropo-sociologue en formation
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