Ce mercredi 17 juillet 2024, à 21 heures, le Premier ministre haïtien, Dr Garry Conille, s’est adressé à la nation. Dans une vidéo diffusée sur les plateformes officielles du gouvernement, il a abordé la situation sécuritaire préoccupante du pays. Il a détaillé l’ampleur du contrôle des gangs sur Port-au-Prince et l’Artibonite, les conséquences économiques et humanitaires désastreuses, et les mesures urgentes pour rétablir la sécurité.
Le Premier ministre a rappelé que près de 80 % de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et plusieurs zones du département de l’Artibonite sont contrôlées par des groupes armés. « Cette situation crée un climat d’anarchie et de terreur, rendant la vie quotidienne à Port-au-Prince une lutte constante pour la survie. Les familles vivent dans une peur constante, les déplacés endurent de grandes souffrances, et l’espoir semble lointain », a-t-il déploré.
Le chef du gouvernement a décrit une situation désastreuse où les enfants ne peuvent plus aller à l’école, les entreprises sont fermées, et les hôpitaux abandonnés. Les rues de la capitale sont devenues des champs de bataille où de nombreux innocents ont perdu la vie.
Le Premier ministre a souligné que les groupes criminels, en plus de semer la terreur, ont gravement impacté l’économie en bloquant les routes principales et perturbant les chaînes d’approvisionnement, décourageant ainsi les investisseurs. Cette situation a amplifié la pauvreté et le chômage, créant un impact humanitaire indescriptible. Des milliers de personnes ont dû fuir leurs maisons.
Il a ajouté que la violence sexuelle est utilisée comme arme de contrôle, laissant des séquelles durables chez les victimes, principalement des femmes et des filles. « Le système de santé, déjà fragile, est submergé par les victimes de violences, et l’insécurité alimentaire s’aggrave avec un taux de malnutrition en hausse », a indiqué le Docteur Conille.
Le Président du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN) a souligné que cette crise est exacerbée par un climat d’impunité et une corruption omniprésente au sein des institutions, rendant difficile pour les autorités de répondre efficacement. La justice peine à appliquer la loi, aggravant ainsi la situation, selon Garry Conille qui a appelé à des actions immédiates et décisives pour rétablir la sécurité.
Des mesures concrètes pour rétablir la sécurité dans le pays
Le Premier ministre a annoncé que le gouvernement, avec le soutien du Conseil présidentiel de transition, allait mettre en œuvre des mesures concrètes pour combattre l’insécurité et rétablir la paix. Ces initiatives, fruit de semaines de planification et de discussions avec la police nationale d’Haïti, soutenue par le Kenya, les forces armées d’Haïti et les services de renseignement, marqueront un tournant dans la lutte contre cette crise.
Il a indiqué que l’état d’urgence sécuritaire a été décrété ce mercredi dans toutes les communes se trouvant sous le contrôle des gangs, donnant au gouvernement les moyens nécessaires pour agir, traquer les bandits et rétablir l’autorité de l’État. Quatorze communes sont concernées par cette mesure. Le Premier ministre a demandé aux habitants de ces communes de rester vigilants et calmes, en suivant les consignes de sécurité diffusées par les canaux officiels du gouvernement.
Un appel à l’unité
Docteur Conille a insisté sur l’importance de l’unité et de la discipline pendant cette période difficile, soulignant que la collaboration et l’engagement de la population sont cruciaux pour sortir de la crise et rétablir une Haïti sécurisée et prospère. Il a également exhorté les journalistes à éviter de donner des informations en direct sur les opérations de sécurité pour ne pas informer les gangs.
Il a demandé à la PNH, soutenue par le Kenya, et aux forces armées d’Haïti de commencer progressivement les déploiements et les opérations dans les zones ciblées, conformément au plan établi. L’objectif final est de reprendre le contrôle de toutes les zones se trouvant sous domination des gangs.
Le Premier ministre a également appelé le ministre de la Justice à renforcer rapidement le système judiciaire pour assurer son indépendance, combattre la corruption et rendre la justice accessible à tous les citoyens.
Vers le lancement d’une campagne de sensibilisation
Le chef du CSPN a annoncé qu’une campagne nationale de sensibilisation sur la sécurité sera lancée dans les jours à venir, invitant chaque citoyen à se sentir impliqué et responsable de la sécurité de sa communauté. Pour lui, la coopération entre la population et les forces de l’ordre sera essentielle pour surmonter l’insécurité.
Le Docteur Conille a averti que le processus ne sera ni facile ni rapide, en citant l’exemple de pays comme le Salvador, la Jamaïque et la Colombie, qui ont des ressources bien plus importantes. Ces pays confirment que rétablir la normalité demande du temps et la participation de toute la société.
Le Premier ministre a conclu en affirmant qu’ Haïti ne périra pas et ne perdra pas cette bataille, comparant la lutte actuelle à l’unité qui a conduit à l’indépendance en 1804.Il a enfin appelé les bandits à déposer les armes et à reconnaître l’autorité de l’État.