Depuis plusieurs années, Haïti est conduite vers une descente aux enfers. Toutes les institutions républicaines, si elles n’ont pas tout simplement disparu, ont été de fait mises en veilleuse. Elles ont atteint un tel degré de délabrement qu’il serait juste d’avancer que ce pays rongé par l’insécurité est abandonné à son sort. L’école est de toute évidence l’une des institutions les plus affectées.
Les gangs armés contrôlant la quasi-totalité du territoire haïtien font régner la loi de la terreur. Ils obligent les familles à fuir leurs maisons avant de les piller et de les incendier. Le kidnapping, les viols, les tueries sont monnaie courante.
Dans ce contexte de violence généralisée, l’école est sans doute l’une des institutions les plus touchées. Les enseignants, les élèves, les parents, ne sont pas épargnés par cette violence aveugle qui détruit la société dans son ensemble.
Dans les départements de l’Artibonite et de l’Ouest par exemple, plusieurs écoles ont dû fermer leurs portes à cause de la violence des gangs. L’année dernière à Port-au-Prince, des enseignants ont même été atteints de projectiles pendant qu’ils dispensaient leurs cours. Le cas du Professeur Sorel Jasmin en est l’exemple le plus frappant.
Pour cette année académique 2023-2024, beaucoup de lycées et d’écoles nationales de la capitale n’ont pas pu accueillir les enfants le 11 septembre 2023 qui était la date fixée pour la réouverture officielle des classes. Ces établissements scolaires servaient d’abris provisoires aux déplacés de Carrefour Feuille et des différentes zones de Port-au-Prince occupées par les gangs. Certains enseignants racontent que jusqu’à ce mois de février, ils n’ont pas encore pu dispenser de cours dans des classes d’examens officiels.
Dans certaines écoles, les classes fonctionnent avec jusqu’à 20 % de leurs effectifs réels. Les parents ont peur de risquer la vie de leurs enfants en les envoyant à l’école. Même si ces derniers ne sont pas plus en sécurité à la maison ou dans les camps de déplacés, mais au moins ils les ont sous les yeux.
Des organismes internationaux plaident pour le respect du droit à l’éducation des enfants haïtiens
En plus, les élèves qui ont assisté aux cours la veille ne sont pas forcément les mêmes qui assisteront aux cours le lendemain. Si les enseignants n’ont pas la quiétude d’esprit pour travailler normalement, les enfants, eux-mêmes, sont traumatisés et ont l’esprit ailleurs quand ils sont en classe.
« Pendant que j’explique une notion à mes élèves à la dernière heure de la journée, une fille a levé la main pour me demander la permission d’appeler ses parents pour savoir si elle pouvait rentrer à la maison car il y avait des tirs dans son quartier au moment où elle venait à l’école », raconte un professeur.
Depuis le début de ce mois de février, les portes des écoles étaient fermées pendant plusieurs jours à travers la région métropolitaine de Port-au-Prince et dans la plupart des villes de province à cause des manifestations antigouvernementales. Pour le mois de mars, les écoles se trouvant dans cette région n’ont pas pu fonctionner en raison de nombreuses attaques orchestrées par des groupes armés. L’école est donc victime des turbulences socio-politiques et de la violence des gangs.
Face à cette situation, l’UNICEF et l’UNESCO ont, dans une déclaration conjointe, plaidé pour le respect du droit à l’éducation des enfants haïtiens tout en soulignant que l’école doit être un sanctuaire inviolable, préservé des vicissitudes extérieures. Ces deux organismes se disent préoccupés par les conséquences de la violence armée et de l’instabilité socio-politique persistante sur le fonctionnement des écoles.
Ces organismes sus-cités unissent leurs voix pour attirer l’attention sur les conséquences dévastatrices de l’interruption fréquente et/ou de la fermeture de nombreuses écoles dans le pays, privant des milliers d’enfants de leur droit à l’éducation. Le droit à l’éducation est un droit garanti par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule en son article 26 : « Toute personne a droit à l’éducation. » Il revient à l’État haïtien de garantir les conditions nécessaires pour que les enfants haïtiens puissent jouir pleinement de ce droit.