Dans la culture haïtienne, la période pascale est inextricablement liée au rituel festif du Rara. Mais aujourd’hui, cette fête n’est plus ce qu’elle était autrefois. Pour beaucoup, la cause principale est la situation d’insécurité que connaît le pays depuis un certain temps, entraînant des répercussions tant sur le plan culturel que sur le plan économique.
Les mélodies envoûtantes du Rara, résonnant dans les rues, suscitant l’envie de danser ou de chanter en chœur des paroles parfois peu catholiques, sont connues de plus d’un. Cette forme de musique, où se mêlent les traditions vaudou et africaines avec des influences locales, est une expression festive qui incarne l’identité et la spiritualité du peuple haïtien. Cependant, bien qu’elle soit parfois perçue comme de simples moments de joie spontanée et de célébration communautaire pour certains, pour d’autres, elle représente le fondement même de la culture haïtienne.
En plus de ses implications culturelles, le rara est d’une importance économique significative pour de nombreuses personnes dans le pays, particulièrement pour les musiciens qui peuvent gagner entre 150 et 200 mille gourdes pendant cette période, nous dit le percussionniste Raymond Noël (Welele Doubout), dans une entrevue avec ShelNews.
Parallèlement, les répercussions de l’insécurité ne se limitent pas aux festivités du Rara, mais affectent également l’économie nationale dans son ensemble d’après une jeune femme interviewée. « Le Rara est une attraction culturelle. Il attire traditionnellement des touristes nationaux et internationaux, constituant une contribution significative aux recettes touristiques et à l’économie locale », nous dit-elle.
À ce sujet, elle n’est pas la seule, le tambourineur nous explique que depuis environ deux décennies, ce sont principalement les membres de la diaspora haïtienne qui viennent en Haïti, investissent dans le Rara, soutenant ainsi économiquement cette tradition. Cependant, même s’ils continuent d’investir dans le Rara, bon nombre d’entre eux se retrouvent dans l’incapacité de se rendre dans leur pays d’origine, en raison de l’insécurité, ce qui représente un manque à gagner à l’économie locale.
La profonde dimension spirituelle du rara en Haïti
La spiritualité et le Rara marchent de pair. Pour les vaudouisants, le Rara a une portée spirituelle importante. Il joue un rôle de purificateur pour certains et de guérison spirituelle pour d’autres. De son côté purificateur naisse cette pratique consistant à payer pour que le rara fasse sept (7) tours d’une maison, pour chasser les énergies négatives et attirer la bénédiction des esprits. Mais les sept (7) tours ne sont pas seulement une question d’argent, nous dit M. Noël.
D’après le natif de Bainet, c’est une façon de respecter le règlement, d’honorer les conditions acceptées pour se lancer dans le rara. Le musicien continue : « Même lorsque les festivités ne sont pas comme d’habitude on ne saurait passer outre la pratique de faire le tour de la maison ou de la « bitasyon ».
Tout comme la soupe au giraumon et l’artisanat, le Rara haïtien incarne une combinaison complexe de culture, de spiritualité, de célébrations et de résilience. Il représente à la fois une manifestation dynamique de l’identité haïtienne et un moyen de célébrer, de renforcer la connexion communautaire et de faire preuve de persévérance face aux difficultés.
La violence armée a déjà fait d’importants dégâts dans la société haïtienne, mettant en péril l’éducation, la vie et ce constituant le patrimoine national. Et maintenant, elle menace la célébration de cette fête emblématique dans de nombreux départements du pays, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince où des quartiers sont abandonnés par leurs habitants fuyant la terreur des gangs armés. Il est plus que nécessaire de protéger cette tradition ancestrale qui nous définit comme Haïtien.
Toutefois, dans des zones reconnues comme bastion de cette tradition notamment à Léogane, à Miragoane et d’autre ville du pays, l’insécurité n’a pas pu empêcher les défilés colorés, des danses enivrantes et des chants rythmés dans les rues.
John Gerald Stanley Mervil