Les violences sexuelles sont un fléau mondial dévastateur. Si cette réalité douloureuse sévit partout, en Haïti, elle revêt des proportions encore plus alarmantes. Le manque de compréhension de la part des proches des victimes, la crainte d’être responsabilisée et le sentiment de culpabilité créent une barrière empêchant aux victimes de dénoncer leur agresseur.
Selon l’ONU, à l’échelle mondiale, 736 millions de femmes – soit près d’une sur trois – ont subi au moins une fois des violences sexuelles et/ou physiques de la part d’un partenaire intime, des violences sexuelles en dehors du couple, ou les deux. 30 pour cent de ces femmes sont âgées de 15 ans et plus.
Un rapport de l’Organisation Red Internationale publié en 2017 révèle qu’en Haïti, le taux de victimes de violences sexuelles est de 28 %. « Des femmes entre 15 et 49 ans sont victimes de violences sexuelles au moins une fois dans leur vie », précise ledit rapport.
Les entraves aux témoignages des victimes
Obrillant Damus, dans son texte intitulé “En Haïti, la reconquête du corps après un viol”, mentionnant les travaux de Ferenczi (1934), décrit le viol comme un phénomène provoquant un choc psychologique important, entraînant des crises existentielles affectant la vie individuelle, la vie en société et les relations interpersonnelles des victimes.
« Après mon agression, j’allais tellement mal que je ne pouvais me concentrer sur mes études. Au final, j’ai raté l’année académique », raconte une victime. Toujours selon M. Damus, le viol engendre des souffrances psychiques, psychologiques et physiques, laissant des séquelles traumatiques même des années après les faits.
Avec cet impact psychologique, les victimes ont tendance à se taire. Cependant, outre l’action elle-même, qui peut conduire la victime à garder le silence, le comportement de la société qui les culpabilise joue un rôle significatif.
Fort souvent, lorsque certaines d’entre elles osent dénoncer le bourreau, des questions sur leur comportement surgissent, telles que celles liée à leurs choix vestimentaires ou leur présence à certaines heures ou certains endroits. « Tu n’aurais pas dû porter cette tenue, tu n’aurais pas dû être dans cette rue à cette heure tardive ». Ainsi, la victime se trouve dans une situation gênante. Elle voit en la dénonciation une admission de faute plutôt qu’un appel à l’aide.
La conscientisation sur la violence sexuelle est cruciale
Le manque d’éducation sur ce qu’est le viol se révèle malheureusement être favorable à la pérennisation de cette pratique. Parfois, les personnes victimes de viol ne réalisent pas qu’elles l’ont subi, et occasionnellement, il arrive que certains violeurs ne sachent pas qu’ils ont commis le forfait ; quand on prend par exemple le viol conjugal entre autres, où certaines femmes et certains hommes ne savent pas que même dans le mariage, le sexe en dehors du consentement constitue un viol.
Pour pallier le problème, les campagnes de sensibilisation et d’éclaircissement sont cruciales. Ces actions doivent s’inscrire dans une démarche aspirant à changer les perceptions et à défier les stéréotypes.
Cependant, une éducation sur ce qui constitue un cas de viol ne saurait remplacer le soutien psychologique. De ce fait, un support psychologique est essentiel après avoir été victime de violences sexuelles. La mise en place des réseaux de soutien au sein des communautés peut favoriser un espace sécurisé pour partager des expériences, exprimer des émotions et recevoir un soutien émotionnel.
Cette semaine, alors que nous célébrons la journée internationale des droits des femmes, il est important de rappeler aux autorités judiciaires haïtiennes qu’elles ont l’ultime responsabilité de lutter contre l’impunité en matière de violences sexuelles dans le pays. Cela implique la mise en place de procédures judiciaires efficaces, la protection des victimes pendant les enquêtes et les procès, et l’application rigoureuse des lois contre les agresseurs. Et aux proches des victimes de favoriser l’empathie dans le but de les aider à briser le silence pesant, à tisser une culture d’entraide et de compréhension, et à défaire le nœud du tabou entourant la violence sexuelle.
John Gerald Stanley Mervil